Bernies, un nouveau nom dans le petit monde du guillochage

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Les noms Bernies ou Bernard Van Ormelingen vous sont probablement inconnus, et encore moins s’ils sont associés au terme “guillochage”. Cela pourrait changer dans le futur. 

La Fondation pour la Haute Horlogerie reprend sur son site Internet les différents métiers d’art liés à l’horlogerie : la joaillerie et le sertissage, la décoration et la gravure du mouvement, la décoration du cadran, la fabrication des bracelets et enfin l’émaillage. Le guillochage est une technique de gravure qui peut s’appliquer aux cadrans et aux boitiers de montre. Le dictionnaire professionnel illustré de l’horlogerie nous apprend que le guillochage est « l’action et le résultat de l’action de guillocher ». L’action de guillocher « consiste à graver à la main ou à la machine des guillochis sur du métal », par exemple à l’aide d’un tour à guillocher.

Mais alors qu’est donc un guillochis ? Le guillochis est « un dessin extrêmement varié composé de lignes qui se croisent, s’entrelacent, en vue d’obtenir un effet décoratif ». En termes plus terre-à-terre, le guillochage horloger consiste à décorer un cadran ou un boitier de montre par des gravures au motif répétitif, souvent circulaire, parfois très complexe, obtenu par l’utilisation d’une machine à guillocher.

Cette technique est aujourd’hui maîtrisée par quelques grandes maisons, et les machines permettant de la réaliser ne sont plus fabriquées. Les rares machines à guillocher mises en vente le sont à des prix astronomiques. On estime entre 10 et 15 le nombre de guillocheurs travaillant en Europe.

Quelques images valent plus qu’un long discours. Par exemple cette Breguet Hora Mundi 5727 combine quatre motifs de guillochage différents sur le même cadran.

Autre exemple chez Vacheron Constantin, avec la montre Ange. Sortie en 2012, cette création fait partie de la collection Métiers d’Art « Les Univers Infinis ». On peut voir ici le cadran sur le tour à guillocher.

guillochage cadran Vacheron Constantin

 

Bernies : une nouvelle génération de guillocheurs ?

Pourtant, cette technique n’est pas l’apanage de quelques maîtres-artisans travaillant dans le plus grand secret de quelques ateliers d’élite. Un jeune belge originaire du Brabant wallon s’est découvert une passion pour cette technique, et son histoire mérite certainement qu’on s’y intéresse.

Bernard Van Ormelingen a aujourd’hui 19 ans. Il s’intéresse depuis son plus jeune âge à l’horlogerie, sans doute à cause de ces montres gousset qui pendaient dans le bureau familial pour former un ensemble décoratif. Ses parents, soucieux de le voir terminer son enseignement général, refusent de le laisser suivre un enseignement technique en horlogerie. Par contre, au cours de sa dernière année de secondaire (l’équivalent du bac en France), il suit les cours du soir dans une école de promotion sociale à Namur, ce qui ne fait que confirmer sa volonté d’orienter sa carrière vers l’horlogerie.

Il s’inscrit alors à l’IATA à Namur, la seule école en Belgique francophone délivrant le diplôme officiel d’horloger. Ayant déjà son diplôme d’enseignement secondaire en poche, il est dispensé des cours généraux et cherche donc à compléter son horaire par un stage auprès d’un maître-graveur. Il rejoint ainsi l’atelier d’Alain Lovenberg, maître-graveur à Durbuy. Alain Lovenberg grave essentiellement des armes de chasse, dans la pure tradition des armuriers de la région liégeoise, mais également des couteaux et des bijoux. Il compte parmi ses clients nombre de têtes couronnées mais également des peoples tels que Steven Spielberg.

gravure Alain Lovenberg

Pour Bernard, l’apprentissage est difficile, le travail est exclusivement manuel, et devient cruel pour les mains, chaque dérapage se traduisant par une blessure. Lors d’une pause, il s’intéresse à cette étrange machine dormant dans un coin de l’atelier. Alain Lovenberg lui explique que c’est une guilloche verticale qu’il a sauvée de la ferraille. Elle est toujours fonctionnelle, mais il n’a pas l’occasion de l’utiliser. Intrigué par cette machine mystérieuse, il profite de ses pauses pour démonter la machine, essayer d’en comprendre le fonctionnement. Son goût prononcé pour la mécanique lui facilite la tâche. Il se renseigne sur la technique du guillochage, prend contact avec les grandes manufactures suisses, qui lui ferment gentiment la porte, « secret défense ! ».

La machine est une guilloche verticale, c’est-à-dire qu’elle ne permet pas de faire des gravures circulaires sur un cadran. Il trouve alors aux Etats-Unis un spécialiste avec qui il se lie d’amitié et qui lui fabrique sur mesure un tour adapté à l’outil de gravure dont il dispose déjà. Ensemble, ils vont également dessiner puis fabriquer les rosettes, ces disques permettant de guider le tour et qui déterminent le dessin de la gravure.

Et ça marche ! Il commence à faire ses premiers essais. Le cadran de sa montre de fin de première année reprend un guillochage sur la partie centrale. Le travail est un peu hésitant dans les parties les plus fines, mais l’aspect général est déjà très impressionnant, vu la très courte expérience de Bernard. Et surtout si l’on considère le fait que la machine est alors en cours de rénovation.

premiere montre gravee par Bernard Van Ormelingen

La technique du guillochage

Une machine à guillocher se décompose en trois parties principales :

  • L’axe du tour sur lequel se trouve la pièce à graver: l’axe se déplace de manière latérale en fonction de la forme de la rosette qui va déterminer le dessin de la gravure. La rotation de l’axe du tour est commandée par une manivelle actionnée à la main par le guillocheur.
  • Un palpeur fixe qui est placé contre ce disque : c’est lui qui va « pousser » l’axe en fonction de la forme du disque.
  • Un burin fixe, placé sur un rail, qui va être mis en contact avec la pièce à graver par le pouce du guillocheur.

L’ensemble est complété par un binoculaire, qui permet de contrôler avec précision la position du burin fixe sur le cadran à graver. Sur cette photo de la guillocheuse de Bernard Van Ormelingen, on peut distinguer les différentes parties.

Cette photo d’un tour à guillocher époque Louis XVI au Musée des arts et métiers de Paris montre bien les rosettes qui imprime le mouvement latéral à l’axe du tour.

tour a guillocher Louis XVI Musee des arts et métiers Paris

Un travail de bénédictin

Une ligne de gravure nécessite typiquement 8 passages au burin fixe, un tour complet demande 5 tours de manivelle, et un cadran peut nécessiter jusque 250 traits. Cela fait donc 10.000 tours de manivelle : qui a dit que le guillochage n’était pas une activité physique ! Selon le degré de complexité et la dureté de la matière, un cadran peut demander de 2 à 3 jours de travail. Les matériaux utilisés sont l’or blanc, l’or jaune, le cuivre, le laiton. Certaines gravures peuvent également nécessiter des incrustations de fil d’or, qui sont alors réalisées par Alain Lovenberg.

Sur cette vidéo, Bernard nous fait une petite démo de la technique.

Ces quelques photos illustrent la qualité du travail réalisé par Bernard : cadran guilloche par Bernard Van Ormelingen

cadran guilloche par Bernard Van Ormelingen

Bernard Van Ormelingen a déjà réalisé plusieurs travaux, par exemple pour des particuliers souhaitant personnaliser leur montre, et il peut également fournir une montre complète. Pour cela il a déjà déposé sa marque « Bernies ».

L’avenir nous dira si une nouvelle génération de guillocheur est en train de naître. En tout cas Bernard Van Ormelingen y croit et il est prêt à relever le défi.

Pour en savoir plus :

Les métiers d’arts selon la fondation de la Haute Horlogerie.

Le dictionnaire professionnel illustré de l’horlogerie

Le site Internet de Bernard Van Ormelingen : Bernies

Et quelques photos sur le compte Instagram 

Le maître graveur Alain Lovenberg

Dernière modification de l’article le 09/04/2018

MichelOnTime

Passionné d’horlogerie depuis une dizaine d’années, je m’intéresse autant aux marques qu’aux montres, et suis toujours à la recherche de nouvelles marques. Au-delà des aspects techniques et esthétiques de l’horlogerie, j’aime beaucoup rencontrer les créateurs de marques moins connues, comprendre leur démarche, et les faire connaître.
Difficile de vous dire quelles sont mes marques préférées, disons IWC, Tudor, mais aussi Seiko, Ollech & Wajs et Gavox, et beaucoup d’autres.
Je porte un intérêt particulier aux Tissot T12, une appellation peu connue et créée à l’occasion de la sortie du film de Cousteau “Le monde du silence” en 1956.


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Written by MichelOnTime
Passionné d'horlogerie depuis une dizaine d'années, je m'intéresse autant aux marques qu'aux montres, et suis toujours à la recherche de nouvelles marques. Au-delà des aspects techniques et esthétiques de l'horlogerie, j'aime beaucoup rencontrer les créateurs de marques moins connues, comprendre leur démarche, et les faire connaître. Difficile de vous dire quelles sont mes marques préférées, disons IWC, Tudor, mais aussi Seiko, Ollech & Wajs et Gavox, et beaucoup d'autres. Je porte un intérêt particulier aux Tissot T12, une appellation peu connue et créée à l'occasion de la sortie du film de Cousteau "Le monde du silence" en 1956.