Continuons notre tour d’horizon des métiers d’arts de l’horlogerie avec la gravure.
Comme nous l’avons évoqué dans l’article sur le guillochage, la région liégeoise (en Belgique) est réputée dans le monde entier pour sa longue tradition en armurerie. Les origines de cette tradition remontent au XV° siècle. Il est amusant de constater que la production d’armes s’organise alors de manière très similaire à ce qui se fait dans la tradition horlogère suisse : des ateliers indépendants, travaillant pour des fabricants, et des ouvriers travaillant à domicile en sous-traitance. L’expertise se transmettait souvent de père en fils.
Très rapidement, la gravure sur armes se développe en parallèle, puisqu’elle a au départ pour but d’atténuer les reflets du soleil sur le métal poli. Cette tradition se perpétue aujourd’hui par la présence à Liège d’une école d’armurerie et de gravure sur armes (l’école Léon Mignon).
Sommaire
Profession Graveur
Ce qui nous amène à Roland Baptiste, graveur d’armes de chasse, et de montres. Lui-même fils de graveur d’armes, Roland est formé à l’école d’armurerie de Liège, mais apprend surtout le métier avec son père. Il s’installe à son compte, préférant le travail sur mesure plutôt que la production en série des grandes entreprises. Il travaille ainsi pour des maisons d’armurerie réputées telle que Holland & Holland et Rigby.
Etant par ailleurs amateur de belles montres, il décide voici une dizaine d’années de se faire plaisir et crée un bijou qu’il peut porter au poignet. En théorie cela s’appelle une montre, sauf celle-ci n’en est pas une. C’est juste une pièce de métal gravée qu’il porte au quotidien. Elle présente un guichet à 6h montrant un pseudo disque horaire. L’idée lui plaît, et il décide de se lancer dans la production d’une vraie montre : c’est ainsi que naît la Royale. Sa décision de développer la gravure sur montre est aussi motivée par la volonté de diversifier sa clientèle, et d’ouvrir d’autres horizons que la seule chasse.
Les montres
Cette première montre, produite en un exemplaire unique, lui sert de porte-drapeau de son savoir-faire.
Ensuite, il va développer la Baron, une montre 3 aiguilles et date, de forme plus traditionnelle, dont le boitier est produit en Suisse. Equipée d’un calibre ETA 2824 modifié, elle présente un diamètre de 43,5 mm, ce qui en fait une montre assez imposante.
Enfin, la dernière née est la Vicomte, une montre 3 aiguilles dont les cornes sont intégrées dans la carrure du boitier, et qui est décorée de quelques incrustations d’or. Ce modèle fait 42 mm de diamètre, et est également motorisé par un ETA 2824 modifié. Le boitier est produit en Belgique.
Le projet
Le travail du graveur commence par la définition d’un projet. Roland Baptiste dispose pour chaque modèle d’un design spécifique, mais une personnalisation est souvent demandée. Pratiquer une technique ancienne n’empêche pas d’utiliser des techniques modernes. Roland Baptiste utilise une impressionnante tablette grand format pour affiner son dessin. Après accord du client sur le design, le dessin est imprimé et appliqué sur la pièce à graver. L’encre sur le métal sert alors de guide, et le travail de gravure proprement dite peut alors commencer.
Le travail de gravure
Anciennement, le graveur utilisait un marteau et un burin appelé « échoppe » pour graver sur l’acier. Aujourd’hui, la technique de l’échoppe pneumatique s’est imposée parce qu’elle permet un dessin plus fluide et plus précis tout en gardant le contrôle manuel. Cela fonctionne comme un marteau piqueur miniature : l’air comprimé assure la frappe du burin sur l’acier, et le graveur contrôle le mouvement du burin sur la pièce. Il peut également régler la vitesse et l’amplitude de frappe. Le graveur dispose d’une grande diversité de burins, qui lui permettent de jouer sur le type de traits : une pointe à 90° créera une gravure assez étroite qui ne laissera pas pénétrer la lumière, ce qui donnera un trait noir. Par contre une pointe de 160° donnera un trait brillant puisque la lumière pourra se refléter dans toute la profondeur de la gravure.
Nous avons également discuté de la généralisation de la gravure par fraisage ou par Laser. Roland Baptiste ne dénigre pas ces techniques, elles ont leur utilité pour des productions en série et donnent des résultats intéressants. Mais la gravure à la main aura toujours ce petit supplément d’âme, ces fines imperfections qui rappellent que le travail a été fait par une main humaine.
Made in Belgium
Tout au long de notre rencontre, Roland a insisté sur son souhait d’avoir un produit autant que possible « Made in Belgium ». Seuls les mouvements ETA et les boitiers de la Baron sont fabriqués en Suisse, et certains bracelets en France. L’assemblage est réalisé en Belgique.
Les clients
Qui sont les clients « montres » de Roland Baptiste ? Au départ ce sont des chasseurs, possédant éventuellement une arme gravée par Roland, et qui souhaitent avoir en plus une montre gravée. Les relations commerciales se font d’ailleurs souvent via les armuriers. Mais il compte également dans sa clientèle des particuliers. Les montres sont aussi distribuées dans quelques magasins mais le client peut aussi prendre contact directement avec Roland Baptiste, ce qui renforce le caractère « sur mesure » de son travail. Il vend également en Asie via un contact particulier à Hong-Kong.
Conclusion
Cette rencontre nous a permis de faire la connaissance d’un homme attachant, très sincère dans ses convictions, et attaché à sa région. Son expertise de graveur lui a permis de développer une collection de montres intéressantes qui dégagent une authenticité certaine. Certes, les modèles sont souvent inspirés du monde de la chasse et des animaux sauvages, mais la technique pourrait également s’appliquer à d’autres univers, il suffit peut-être de mettre Roland Baptiste au défi…
Pour en savoir plus :
Instagram : rbaptiste_engraver_watchmaker
Dernière modification de l’article le 09/04/2018
Passionné d’horlogerie depuis une dizaine d’années, je m’intéresse autant aux marques qu’aux montres, et suis toujours à la recherche de nouvelles marques. Au-delà des aspects techniques et esthétiques de l’horlogerie, j’aime beaucoup rencontrer les créateurs de marques moins connues, comprendre leur démarche, et les faire connaître.
Difficile de vous dire quelles sont mes marques préférées, disons IWC, Tudor, mais aussi Seiko, Ollech & Wajs et Gavox, et beaucoup d’autres.
Je porte un intérêt particulier aux Tissot T12, une appellation peu connue et créée à l’occasion de la sortie du film de Cousteau “Le monde du silence” en 1956.
3 Comments
Paolo Saravia
Ayant déjà rencontré Monsieur Baptiste, je peux témoigner qu’il s’agit d’un artiste/artisan passionné/passionnant. Travail exceptionnel de haut vol.
MichelOnTime
Merci pour votre commentaire, c’est effectivement un homme de conviction qui maîtrise son art.
RBaptiste
Merci du commentaire.