Rolex Milgauss: Histoire d’une montre ingénieuse

Milgauss Rolex
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Lorsque l’on évoque Rolex, on pense le plus souvent à des modèles classiques comme la Submariner, la Day-Date, la Daytona, la Datejust ou autres. C’est en effet en grande partie grâce à ces modèles intemporels que la marque de Hans Wilsdorf s’est créé une image et s’est bâti un empire.

Cependant, des pièces plus discrètes et moins recherchées ont aussi joué un rôle important dans l’histoire de la marque voire même dans celle de l’horlogerie en général. C’est le cas de celle dont on parle aujourd’hui: la Rolex Milgauss. Pour ceux qui voudraient en acheter ou en vendre une, on vous recommande le site Watchfinder.fr qui a aussi un Showroom sur Paris.

Rolex Milgauss: Les origines

Rolex Milgauss pub

Source: Timepiece Chronicle

On connaît la propension de Rolex à proposer des montres spécifiquement conçues pour des professionnels aux besoins biens spécifiques, comme la Submariner et la Sea-Dweller pour les plongeurs en eaux profondes ou encore la GMT Master pour les pilotes de ligne ayant besoin de suivre plusieurs fuseaux horaires simultanément. La Milgauss ne déroge pas à la règle. C’est pour répondre aux besoins des scientifiques et des ingénieurs dans les différentes centrales électriques mais aussi dans les laboratoires de recherche en tous genres et dans les établissements médicaux que Rolex s’est mis à développer une montre pouvant résister aux champs électromagnétiques puissants.

1954, en plus d’être l’année de lancement de la Submariner et de la GMT Master, marque également l’apparition de la première centrale nucléaire au monde en Union Soviétique. Les années qui suivirent, la technologie s’est rapidement étendue au reste du monde pour devenir une source d’énergie importante au niveau international. La puissance des champs magnétiques auxquels de nombreux travailleurs étaient soumis au quotidien était bien plus importante que ce que pouvait endurer une montre mécanique classique. Ces dernières commençaient à souffrir de ces forces invisibles lorsqu’elles atteignaient 50 à 100 Gauss, l’unité de mesure de puissance des champs magnétiques. Pour vous faire une idée, c’est environ la force que représente un aimant de frigo basique. On peut donc imaginer à quel point les garde-temps étaient affectés par les champs magnétiques émis par des machines industrielles et professionnelles. En plus de perdre drastiquement en précision, les montres de l’époque pouvaient même être rendues entièrement et durablement inutilisables dans le cas d’une exposition prolongée à ces champs magnétiques élevés. Il fallait trouver une solution.

La première Milgauss : 1954 ou 1956 ?

rolex milgauss 6543

Milgauss 6543
Source: Christie’s

L’histoire de la Milgauss commence par un mystère. Sur le site officiel de Rolex et sur bien d’autres sites de confiance dans le milieu horloger, vous pourrez lire que la première Milgauss a vu le jour en 1956. Et pourtant… Il semblerait bien qu’une référence de Milgauss, la 6543, fut produite à partir de 1954, soit deux ans avant le lancement de la 6541 qui est considérée par beaucoup comme la toute première Milgauss. La Miilgauss 6543 n’aurait été produite que pendant une très courte période et les estimations parlent de moins de 200 pièces produites au total. Cela pourrait peut-être expliquer en partie pourquoi Rolex semble avoir décidé de considérer cette référence plus comme un prototype que comme la première Milgauss à proprement dit.

La Milgauss 6543 pouvait à première vue facilement être confondue avec la Submariner de l’époque. Elle utilisait le même boîtier Oyster en 38 millimètres de diamètre, un cadran noir, une lunette rotative noire elle aussi, le tout monté sur un bracelet Oyster similaire à celui de la plongeuse historique. Cependant, en se penchant de plus près sur la Milgauss, on pouvait découvrir un cadran texturé, des aiguilles dauphines (et non les aiguilles Mercedes caractéristiques de la Submariner), des index en forme de flèche appliqués à 3h, 6h et 9h, ainsi que le nom MILGAUSS en fines lettres majuscules rouges au dessus du centre du cadran. Certains de ces détails resteront caractéristiques de la Milgauss au fil du temps, mais certains des plus importants ne sont apparus que 2 ans plus tard…

En ce qui concerne la mécanique, c’est le calibre 1080, un mouvement automatique manufacture, pratiquement en tous points similaires aux autres calibres utilisés pour les Rolex professionnelles de l’époque, qui fait vivre le garde-temps. La grosse différence de la Milgauss réside depuis ses début dans la construction de son boîtier. On l’a évoqué, c’est bien un boîtier Oyster classique qui équipe ce modèle. Cependant, à l’intérieur de celui-ci, on trouve une sorte de second boîtier en fer doux qui renferme le calibre et qui est capable de le protéger contre les champs magnétiques.

Ce sous-boîtier est appelé “Cage de Faraday”, en référence à Michael Faraday, le scientifique qui a mis au point ce concept de blindage électromagnétique utilisé dans divers secteurs dont l’automobile, l’aéronautique, la construction, et j’en passe. La cage autour du calibre de la Milgauss était alors efficace contre les champs magnétiques allant jusqu’à 1000 Gauss, donc 10 fois plus que les autres montres de l’époque. Vous l’aurez compris, c’est de là que la Milgauss a tiré son nom qui lui aussi sort des sentiers battus.

La Milgauss 6541

Milgauss 6541 timepiece chronicle

Milgauss 6541
Source: Timepiece Chronicle

C’est la référence présentée aujourd’hui par Rolex comme étant la première Milgauss. Elle fut présentée au public en 1956 et elle offre pour la première fois un détail unique et distinctif associé encore aujourd’hui à la Milgauss: la fameuse trotteuse en forme d’éclair. Certaines 6541 destinées au marché Nord-Américain étaient équipées de lunettes lisses, mais pour les autres on gardait la lunette rotative noire de la Submariner. Pour le reste, on retrouve les même bases que pour la 6543, à savoir un boîtier Oyster avec une cage protectrice du calibre 1080 à l’intérieur, un bracelet Oyster, un cadran texturé, des aiguilles Dauphines, etc.

Il semble également que ce soit cette référence qui fut envoyée au CERN de Genève (Centre Européen de la Recherche Nucléaire) pour que certains des scientifiques internationaux les plus éminents et les plus reconnus de l’époque puissent la tester. En effet, le CERN est depuis sa création en 1954 un haut-lieu de la recherche scientifique mondiale. En faisant tester et approuver sa Milgauss par des professionnels si respectés, Rolex voulait clairement s’assurer une légitimité impossible à remettre en cause pour proposer la première montre résistante aux champs magnétiques et destinée aux chercheurs en tous genres. Ce fut un succès puisque les chercheurs du CERN ont confirmé l’efficacité de la montre dans leurs conditions de travail.

Ces 6541 furent produites pendant 4 ans, puis la Milgauss a subi quelques changements.

La référence 1019

milgauss 1019

Milgauss 1019
Source: Sotheby’s

Arrivée en 1960, la Milgauss 1019 remplace la 6541 et apporte des changements forts au modèle. La lunette lisse qui avait été testée pour le marché des Etats-Unis sur la référence précédente devient alors l’unique option. La trotteuse en forme d’éclair si distinctive est remplacée par une trotteuse fine et droite beaucoup plus classique, tout comme le cadran qui perd son aspect texturé et qui adopte un rendu mat basique disponible en noir et en couleur argent. Une autre variante reprend le cadran argent, mais sans les parties luminescentes qui sont d’habitude présentes sur les aiguilles et les index. Cette version était en réalité une commande du CERN qui avait besoin d’outils ultra-précis pour faire certaines mesures dans des expériences qui auraient pu être affectées par le radium, ce composant radioactif utilisé à l’époque pour permettre de lire les informations d’une montre dans l’obscurité. En raison de leur histoire et de leur rareté, ces références au “cadran CERN” font partie des plus recherchées des Milgauss par les collectionneurs aguerris.

Milgauss 1019 cadran CERN Chrono24

Milgauss 1019 cadran CERN
Source: Chrono24

Pourtant, un peu à l’image des Daytona au cadran exotique, ces Milgauss 1019 furent complètement laissées de côté par le public de l’époque. La référence fut tout de même en production pendant 28 ans avant d’être arrêtée en 1988, certainement en partie en raison du manque d’intérêt de la clientèle, que ce soit en Suisse ou à l’international.

2007: la résurrection avec la Milgauss 116400

milgauss 116400

Milgauss 116400

Après 19 ans d’absence, la Milgauss refait surface au Baselworld de 2007 avec la référence 116400. Ici, on se tourne vers les origines du modèle avec un retour de l’aiguille éclair qui est même encore plus mise en avant grâce à sa couleur orange, assortie à d’autres détails du cadran, différents selon les versions. La version au cadran noir offre le nom MILGAUSS en majuscule toujours au dessus du centre du cadran, mais maintenant assorti au orange de la trotteuse, tout comme les indications des tranches de 5 minutes écrites en chiffres arabes sur l’extrémité du cadran, à l’extérieur des index classiques, blancs traités avec une matière luminescente bleue pour la plupart et orange pour ceux de 3h, 6h et 9h.  Sur la version au cadran blanc, tous les index sont de couleur orangée.

On garde la couronne lisse de la référence 1019, mais le boîtier mesure maintenant 40 millimètres de diamètre, une taille plus moderne que le 38 millimètres des modèles vintage. L’autre gros changement concerne le verre saphir qui offre maintenant des reflets verts. Il est appelé Glace Verte, d’où le GV que l’on retrouve à la fin de la référence: 116400GV, et il semblerait que la conception de ce saphir vert soit si complexe que Rolex ne se soit même pas occupé de déposer le brevet. Une façon audacieuse de garder le secret entier sur la technique utilisée pour cet exploit, en pariant sur le fait que les autres acteurs du secteur ne parviendraient de toute façon pas à un résultat si efficace.

C’est un nouveau mouvement automatique qui anime la 116400: le calibre 3131, qui en plus d’être certifié COSC, possède des caractéristiques anti-magnétiques qui viennent s’ajouter à la cage de Faraday toujours présente et qui est maintenant gravée du symbole international faisant référence au champs magnétique: un B surmonté d’une flèche . En effet, le calibre 3131 est équipée d’un ressort spiral Parachrom bleu, qui est 10 fois plus précis qu’un spiral classique en cas de choc, très stable face aux variations de température, et fait d’un alliage de matériaux paramagnétique, assurant une résistance aux champs magnétiques encore plus accrue qu’auparavant. La 116400 est la première référence de Milgauss qui utilise d’autres technologies que la cage de Faraday pour combattre l’électromagnétisme et protéger le calibre pour lui permettre de garder une précision sans faille dans toutes les situations.

milgauss logo B gauss

Source: Thehourglass

7 ans plus tard, en 2014, une nouvelle version de cette 116400 proposera un cadran bleu électrique appelé “Bleu Z” par la marque, qui n’est présent sur aucune autre référence de la gamme Rolex. Encore une preuve forte qui montre que la maison horlogère elle-même place ce modèle en marge du reste de sa gamme.

Un modèle inspirant

La Milgauss n’est pas la seule Rolex qui sort des sentiers battus. Sans parler des versions spéciales de modèles connus comme la Daytona “Eye of the Tiger” ou les différentes références “Rainbow” serties de pierres précieuses colorées, on peut évoquer par exemple la vaste collection Cellini, seule branche de la marque qui n’utilise pas le boîtier étanche Oyster et qui se permet d’explorer d’autres formes, couleurs, matériaux et concepts. La Milgauss, elle, garde ce boîtier caractéristique, mais s’autorise quelques digressions aux codes centenaires qui régissent Rolex depuis sa création, tout en gardant la qualité, la fiabilité et l’élégance comme fer de lance bien entendu.

 

Rolex Milgauss: Le mot de la fin

La Rolex Milgauss est définitivement une pièce à part dans l’univers Rolex. Ce choix de jouer avec des couleurs exclusives, des formes presque fantaisistes et des matériaux spécialement développés pour l’occasion fait de ce modèle une sorte d’outsider qui ne se bat pas directement avec les monstres du secteur, mais qui occupe une niche intéressante sur laquelle presque personne ne peut venir la challenger. Certes, en terme de résistance aux champs magnétiques, d’autres maisons horlogères ont largement dépassé les performances de la Milgauss. On peut notamment évoquer certaines Omega qui assurent une résistance jusqu’à 15 000 Gauss grâce à l’utilisation de matériaux amagnétiques pour la conception des pièces d’habitudes affectées par les champs magnétiques. Mais au niveau de l’histoire, du concept et du rendu final du garde-temps, la Milgauss occupe une place unique sur le marché en représentant une image en partie décalée du géant Rolex, apportant presque une sorte de vent de fraicheur sur un nom qui semble parfois se laisser embourber dans le classique et le prévisible.

Dernière modification de l’article le 30/11/2020

jeremy-gremillet-lecalibre

Basé entre Paris et la région de Genève, avec des explorations fréquentes à l’international, mon itinéraire professionnel m’a vu évoluer de l’événementiel en Asie et du secteur immobilier français en passant par des sphères variées telles que la formation, la création multimédia et l’intelligence artificielle. Ma curiosité m’a conduit vers l’horlogerie sur le tard. Depuis des années, je suis fier de pouvoir partager les subtilités de ce domaine sur lecalibre.com, média devenu une véritable référence francophone sur le secteur !


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Written by Jeremy
Basé entre Paris et la région de Genève, avec des explorations fréquentes à l'international, mon itinéraire professionnel m'a vu évoluer de l'événementiel en Asie et du secteur immobilier français en passant par des sphères variées telles que la formation, la création multimédia et l'intelligence artificielle. Ma curiosité m'a conduit vers l'horlogerie sur le tard. Depuis des années, je suis fier de pouvoir partager les subtilités de ce domaine sur lecalibre.com, média devenu une véritable référence francophone sur le secteur !