La montre d’Adolf Hitler vendue aux enchères …

montre AH
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Que sait-on sur la montre d’Hitler qui va être vendue aux enchères pour plusieurs millions le 28 juillet prochain ?

Certaines montres ont une histoire et un passé qui influent sur leur valeur et sur le désidérabilité. On se souvient tous de la Rolex Daytona 6239 ayant appartenu à Paul Newman, LA pièce à l’origine de l’amour des cadrans exotiques, qui fut vendue à plus de 17 millions de dollars aux enchères en 2017. On peut aussi évoquer la Omega Ultra-Thin OT3980 ayant appartenue à JFK qui fut vendue pour 420,000 dollars en 2005, alors que son prix de vente neuve lors de son acquisition dans les années 60 tournait autour de 175 dollars. Mais qu’en est-il lorsque la montre à appartenu à des personnalités controversées, voire reconnues mondialement comme étant des infréquentables ? Récemment dans un article sur les montres des gangsters les plus célèbres de la planète, on a évoqué une Rolex Day-Date sertie de diamants ayant appartenue à Pablo Escobar qui était estimée aux alentours de 70,000 dollars mais qui fut vendue pour 8,500 dollars. Bien entendu on ne peut espérer que le même sort pour une montre ayant appartenue à Adolf Hitler et nous n’encourageons personne à enchérir sur cette “montre de la honte”. Le mieux serait bien entendu qu’elle trouve sa place dans un musée selon nous. 

Aujourd’hui, on se penche sur la provenance de cette montre, sur une partie de son histoire, sur ses liens avec Le 3 ème Reich et sur la vente aux enchères dans laquelle elle apparait en 2022.

Mise à jour le lendemain de la vente (29/07/2022) : La montre estimée entre $2,000,000 – $4,000,000 a finalement été vendue $1,100,000. Est ce à cause du marché actuel ou simplement de l’origine de la montre ? À vous de nous dire mais on doit bien avouer que nous sommes quand même rassurés que la vente ne se soit pas trop envolée.

 

De quand date cette montre ?

Reverso Huber A H 2

Nous sommes donc en présence d’une montre rectangulaire, une pièce unique avec un boîtier réversible en or jaune et un support en or blanc, ayant prétendument appartenu au chancelier allemand pendant son règne. Ces informations se basent sur de nombreux indices et détails ayant été collectés et étudiés par des experts en horlogerie, en histoire et en vente aux enchères.

Pour commencer, sur le fond de boite en or jaune de cette pièce qui fait penser à une Reverso au premier coup d’oeil, on découvre un aigle impérial nazi (aussi appelé Reichsadler) et une croix gammée noire inclinée de 45 degrés vers la droite dans un cercle blanc. Les experts expliquent que le style de l’aigle correspond à celui utilisé par le parti nazi jusqu’en 1934, il y a donc de grandes chances pour que la montre et la gravure aient été produites au débuts des années 30. C’est également ce que confirme le reste de la gravure. En effet autour de la croix gammée inclinée, on retrouve 3 dates :

  • 20.4.89 donc le 20 avril 1889, indiquant la date de naissance du führer.
  • 30.1.33 soit le 30 janvier 1933, faisant référence à la date à laquelle Hitler fut nommé chancelier de l’Allemagne.
  • et 5.3.33 ou le 5 mars 1933, date des élections fédérales qui lui ont donné les pleins pouvoirs.

En dessous de cette gravure, on retrouve les initiales AH, qui étaient d’après l’expert présentes sur la grande majorité des cadeaux qui étaient destinés à Adolf Hitler pendant les années de son règne.

Il ajoute le fait que ce type de symbole était réservé à une utilisation officielle et que la montre fut donc très probablement commandée par des représentants du parti nazi pour en faire cadeau à leur chef suprême.

Un dernier point sur cette gravure concerne le fait qu’elle soit d’une très grande précision et d’une impressionnante qualité, ce qui semble indiquer qu’elle ait été réalisée par un artiste ayant l’habitude de travailler sur ce genre de projets officiels pour le parti, très certainement sur le sol allemand.

JLC ou pas JLC ?

Reverso Huber A H 3

On l’a évoqué, cette pièce fait tout de suite penser à une Jaeger LeCoultre Reverso mais sur son cadran, on découvre pourtant l’inscription HUBER. Andreas HUBER est une maison horlogère allemande créée en 1856 à Munich et qui a beaucoup collaboré avec le monde militaire dès le tout début des années 1900. Elle fournissait aussi des outils de mesure pour des expéditions scientifiques ou des manifestations sportives comme des courses de chevaux ou de véhicules divers.

Du côté de chez JLC, les origines de la Reverso remontent à 1931. A cette époque, elles étaient vendues sous le nom de “Jaeger” ou de “Lecoultre”. A l’origine pensée et conçue pour les joueurs de cricket qui voulaient protéger leur cadran pendant leurs matchs, cette technologie fut vite appréciée des militaires et du corps médical, car eux aussi avaient besoin de protéger leurs cadrans pendant certaines de leurs activités.

La pièce en question fut confiée aux experts de chez Jaeger LeCoultre en 2017 pour une examination et une authentification. La maison indique n’avoir aucune trace de la conception ni de la vente de la montre, ou d’un client du nom de A.Huber.

Parmi les points à retenir, la maison explique que la gravure ne peut pas provenir de la manufacture puisqu’à l’époque, cette dernière ne possédait tout simplement pas d’atelier de gravure. De plus, une Reverso avec un support en or blanc et un boîtier réversible en or jaune n’a jamais été au catalogue.

La maison indique en revanche que le calibre entrainant la montre est bel et bien sorti de sa manufacture et qu’il s’agit d’un LeCoultre 410. L’expert ajoutera d’ailleurs que ce calibre fut produit en 1932 mais que les premiers exemplaires furent livrés au tout début de l’année 1933, ce qui coïncide avec le datage basé sur la gravure. JLC rajoute que toutes les inscriptions sur le mouvement faisant référence à la marque LeCoultre, aux 15 rubis et au pays de provenance (la Suisse) furent effacées après sa sortie de la manufacture et que celle indiquant le fabriquant LeCoultre fut remplacée par une gravure HUBER.

calibre lecoultre 410 huber AH

De plus, la marque explique que le numéro gravé à l’intérieur du fond du boîtier et celui gravé sur le support en or blanc sont différents, ce qui signifie que la pièce n’a pas été emboitée par la manufacture, ou qu’elle a été modifiée après en être sortie.

On retrouve aussi un poinçon en forme de clé sur le fond de boite qui correspond d’après l’expert au signe de la fédération suisse des manufactures de boîtiers de montres en or de La Chaux-de-Fonds. Le fond de boite viendrait donc lui aussi de Suisse, mais d’une manufacture externe à Jaeger Lecoultre.

A cela s’ajoute la présence d’une couronne dans un soleil, poinçon allemand pour l’or, sur le fond de boite. Cette marque a certainement été ajoutée une fois la montre arrivé en Allemagne pour répondre aux exigences douanières.

Une autre gravure sur le fond de boîte devrait prouver le dépôt de brevet de la Reverso de la part de JLC s’il s’agissait d’une montre sortie de leur manufacture. Cette gravure est absente.

Concernant Huber, un bombardement en 1944 a rasé la manufacture et toutes les preuves de production ainsi que toutes les archives sont parties en fumée. Impossible donc d’avoir accès à des informations sur des pièces remontant à  avant 1946, date de reconstruction de leur usine. On sait en revanche que la maison achetait des pièces, des calibres voire des montres déjà siglées “HUBER” à des maisons suisses dont IWC, Universal Genève, Cyma ou encore Movado. Les ateliers de Huber assemblaient donc des montres avec des composants suisses haut de gamme et c’est très certainement ce qu’il s’est passé avec cette pièce historique.

Le cadran, lui, a possiblement été produit ou simplement personnalisé par Huber, sur la base d’un cadran standard.

Suite à ces conclusions, la maison Jaeger LeCoultre a donc indiqué qu’elle ne pouvait pas délivrer de document d’authentification et qu’elle ne désirait pas acquérir la montre.

Hitler portait-il cette montre ?

Reverso Huber A H 4

En se basant sur toutes les informations précédentes et sur leur expertise, les spécialistes ayant examiné cette pièce en viennent à la conclusion qu’il s’agit très probablement d’un cadeau de la haute hiérarchie du parti nazi à destination du führer et qu’elle lui fut offerte en 1933. Il est possible qu’elle lui ait été remise à l’occasion de son 40 ème anniversaire, le 20 avril 1933, date à laquelle il fut aussi nommé citoyen d’honneur de la Bavière, mais il peut aussi s’agir d’un cadeau célébrant les élections de cette même année.

En revanche, il ne semble y avoir aucun photo qui permette de reconnaitre cette montre au poignet du chancelier.

L’histoire indique que cette pièce fut récupérée par Robert Mignot, un soldat Français, en mars 1945, lors de la prise d’une résidence secondaire du chancelier allemand dans les alpes bavaroises. Pendant cet événement, de très nombreux artéfacts furent saisis en tant que trésors de guerre et beaucoup de soldats en auraient profité pour récupérer des souvenirs de la victoire qui était alors en cours. Ce soldat aurait plus tard revendu cette pièce à un cousin et c’est un des petits-enfants de cet acheteur qui propose cette montre aux enchères en 2022.

Un document rédigé de la main de la fille du Robert Mignot confirme cette vente qui aurait eu lieu en 1985. Elle précise que son père avait vendu cette montre à son cousin collectionneur, qui s’était alors engagé à ne la vendre qu’à un individu n’ayant aucun lien avec l’idéologie que représente cet objet historique. On sent ici une volonté de bien faire la part des choses et de ne pas mettre en avant cette pièce comme un hommage à son premier propriétaire, mais bien comme un morceau d’histoire unique, symbole d’une époque révolue, voire d’une victoire du bien contre le mal.

Comment estimer la montre d’Hitler ?

Reverso Huber A H 5

Cette “Huber Reverso” a passé le plus clair de son temps dans un coffre, ce qui explique son état exceptionnel aujourd’hui. Cela joue dans son estimation, mais c’est évidemment son aspect absolument unique et sa puissance d’un point de vue historique qui lui donnent sa valeur. Ce type de pièce unique avec une histoire si particulière est très difficile à estimer. La maison qui s’occupe de la mise en vente indique que la mise à prix est d’un million de dollars, mais estime la pièce entre 2 et 4 millions de dollars.

Un million de mise à prix de base, c’est également ce que demandait la maison Phillips lors de la vente de la Daytona Paul Newman qui fut adjugée à 15,5 millions avant les frais en 2017. Est ce que les enchères vont monter très haut ? Ou au contraire n’intéresser que peu de monde, dites nous ce que vous en pensez

Mais une chose est sûre c’est que le marché actuel ne se porte pas très bien en ce moment.

Dernière modification de l’article le 30/07/2022

jeremy-gremillet-lecalibre

Basé entre Paris et la région de Genève, avec des explorations fréquentes à l’international, mon itinéraire professionnel m’a vu évoluer de l’événementiel en Asie et du secteur immobilier français en passant par des sphères variées telles que la formation, la création multimédia et l’intelligence artificielle. Ma curiosité m’a conduit vers l’horlogerie sur le tard. Depuis des années, je suis fier de pouvoir partager les subtilités de ce domaine sur lecalibre.com, média devenu une véritable référence francophone sur le secteur !


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Written by Jeremy
Basé entre Paris et la région de Genève, avec des explorations fréquentes à l'international, mon itinéraire professionnel m'a vu évoluer de l'événementiel en Asie et du secteur immobilier français en passant par des sphères variées telles que la formation, la création multimédia et l'intelligence artificielle. Ma curiosité m'a conduit vers l'horlogerie sur le tard. Depuis des années, je suis fier de pouvoir partager les subtilités de ce domaine sur lecalibre.com, média devenu une véritable référence francophone sur le secteur !