Ollech & Wajs (OW), la renaissance d’une marque horlogère suisse

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Je voudrais m’intéresser aujourd’hui à une marque horlogère suisse très peu connue, mais qui est sur le point de retrouver une nouvelle jeunesse. Il y a beaucoup de chances que vous n’ayez jamais entendu parler de OWZ, ou Ollech & Wajs Zurich. Et à moins que vous ne soyez fin connaisseur d’horlogerie suisse, c’est assez normal. La marque n’est en général connue que des passionnés « hard-core », amateurs de montres d’aviation ou militaires.

Ollech & Wajs : les origines

L’aventure d’Ollech & Wajs commence en 1956 lorsque Joseph Ollech et son ami Albert Wajs décident de s’associer pour ouvrir une boutique de vente de montres de luxe à Zurich. Ollech est le commercial du duo tandis que Wajs a plutôt un profil technique, sans avoir pour autant une formation d’horloger. Dans un premier temps, ils distribuent les marques Breitling et Omega, puis décident de lancer leur propre marque et choisissent le nom certes pas très original de Ollech & Wajs Zürich ou OWZ.

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Ollech & Wajs référence OW105, diver watch 1959

Très vite c’est Albert Wajs qui mène la barque, il décide de se spécialiser dans l’assemblage de montres solides et précises, en intégrant des mouvements éprouvés (Dubois Dépraz qui fournissait Patek Philippe, Landeron, Valjoux) dans des boites robustes en acier Inox (Maison Etienne). Les aiguilles au Tritium (Universo à la Chaux-de-Fonds) et des cadrans simples et efficaces (Frères Lender du Locle) complètent le tableau. En somme une manière de faire tout à fait normale pour l’époque, quand l’horlogerie fonctionnait comme un véritable écosystème de fournisseurs indépendants les uns des autres, avec des assembleurs qui choisissaient leurs composants chez l’un ou l’autre selon leurs besoins. La notion actuelle de « manufacture » où toutes les pièces d’une marque sont fabriquées en interne n’existe pas à l’époque.

Au début, les associés diffusent la production sous différentes marques, dont OWZ, Helsa, Piz Palu, Swiss Emperor, avant de se concentrer dans les années 60 sur la seule marque OW.

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Piz Palu Precision, made by Ollech & Wajs (crédit photo The Watch Collector)

Les principaux modèles

La gamme OW se décline alors avec des modèles essentiellement masculins, au style sportif ou militaire.

  • Les chronographes mécaniques à deux compteurs sont équipés de mouvements Valjoux, et présentent souvent une échelle tachymétrique; ils sont destinés aux sportifs.
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Ollech & Wajs référence OW92, chronographe V92, 1963 (crédit photo OW)

  • Les montres de plongée (équipées de mouvements ETA mécaniques ou automatiques) sont appréciées des plongeurs professionnels et des clubs. La Caribbean 1000 est la plus célèbre, elle était en 1964 la première montre de plongée étanche à 1000 m, grâce à son boitier Inox monobloc breveté. Le modèle Ocean de 1962 précède la Caribbean.
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Ollech & Wajs référence OW405, Ocean, 1962 (crédit photo OW)

La Caribbean 1000 qui suit l’Ocean :

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Ollech & Wajs référence OW702, Caribbean 1000, 1964 (crédit photo OW)

  • Les montres militaires étaient réputées pour leur précision et leur robustesse incomparables, elles étaient une alternative aux montres Hamilton. Pendant la guerre du Vietnam, de nombreuses unités de l’armée américaine en ont commandé en versions personnalisées. Elles étaient très appréciées des soldats, comme en attestent les nombreuses lettres retrouvées dans les archives d’OW.
montres militaires armée américaine guerre du Vietnam OW

Exemples de montres militaires vendues à des unités de l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam (crédit photo OW)

Les modèles Early Bird et M60 ont également été produits à cette époque.

OW Early Bird (crédit photo OW)

  • Enfin les montres de pilote, équipées de la règle à calcul, permettaient aux pilotes de réaliser des calculs en vol, comme sur cette Selectron Calculator. Il faut se rappeler qu’à l’époque, la règle de calcul était le seul moyen de réaliser facilement des calculs complexes. La miniaturisation de la règle à calcul sur une montre a été un grand progrès pour les pilotes.
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Ollech & Wajs référence OW004, Selectron Calculator, 1969

Une solide réputation

Avec ces montres, OW se forge une réputation de précision, de robustesse et de durabilité. Les archives de la marque regorgent de lettres reçues de militaires, plongeurs, pilotes ou professionnels du monde entier, remerciant OW pour la qualité de ses montres.

Cette qualité est due à l’exigence d’Albert Wajs dans le choix des composants horlogers. Il commande par exemple des dizaines de milliers de mouvements chez Valjoux (références 72, 92, 7730, 7733, 7750, 7765). Valjoux est alors fournisseur de marques réputées telles que Breitling, Heuer, Rolex ou Universal Genève. Les boitiers Inox comportent des fonds vissés (et non clipsés), associés à des couronnes vissées, assurant ainsi une étanchéité hors pair.

L’assemblage et le réglage sont réalisés en interne par des horlogers qualifiés, gage de précision dans le temps et de fiabilité.

Ollech & Wajs a vendu jusque 10 000 pièces par an dans les années 60, via des revendeurs horlogers, via les magasins militaires AAFES ou par de la vente directe par voie postale. AAFES signifie “Army and Air Force Exchange Service”, ce sont des magasins présents encore aujourd’hui dans les bases US partout dans le monde.

OW va également produire des montres pour compte de tiers, comme cette Orano Computer 24h.

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Orano Computer Moon Orbiter, made by OW

Notez le cadran 24h avec midi en haut et minuit en bas : ce n’est pas la configuration la plus courante mais c’est certainement la plus logique, puisque à midi le soleil est au-dessus de l’horizon dans la moitié claire du cadran, et à minuit il est sous l’horizon, dans la partie sombre du cadran.

La référence 2003: une histoire particulière

Un modèle mérite une attention particulière : la référence OW2003. Les archives de la marque ont permis de découvrir la lettre d’un avocat américain, par laquelle il déclare tout d’abord combien il apprécie ce modèle. Mais surtout par laquelle il passe commande d’un exemplaire du modèle 2003, destiné à un certain « Dr. Wernher Von Braun, the noted rocket scientist ». En effet, rappelez-vous que von Braun est le père des V1 et V2 nazis, de triste mémoire. A la libération, les américains embarquent von Braun aux Etats-Unis où il est intégré dans les équipes de recherche en aéronautique, et ensuite dans la NASA.

OW2003

Ollech & Wajs référence OW2003

Lettre à Ollech & Wajs passant commande d’une référence 2003 pour Wernher von Braun (crédit OW)

Les années 70

Dans les années 70, la diversification continue, avec des Chronos 3 compteurs, une nouvelle Caribbean…. OW connait même son heure de gloire dans la série télévisée anglaise The Professionals, quand les acteurs Martin Shaw et Lewis Collins arborent une OW Caribbean 1000 au poignet.

La fin des années 70 marque le début de ce que l’on appellera plus tard la crise du quartz, c’est-à-dire le remplacement progressif mais implacable des montres mécaniques par des montres à quartz essentiellement japonaises. La production d’Ollech & Wajs décline alors lentement, mais Albert Wajs résiste à la mode et OW continue à ne produire que des montres mécaniques.

C’est en 1978 que se produit un événement très important qui va marquer le futur d’OW : au cœur de la crise du quartz, Willy Breitling se voit contraint de mettre Breitling en liquidation. Et OW se porte alors acquéreur d’une partie de l’outillage et des stocks de la célèbre maison, de même que la maison Patek Philippe et Helmut Sinn. Pour la petite histoire, lorsque Ernest Schneider rachète Breitling un an après, il ne rachète que la marque, puisque les stocks et les outillages sont dispersés. On peut ainsi dire que Schneider a relancé Breitling en partant de rien.

En revanche, OW ne perd pas de temps et utilise ces stocks pour mettre sur le marché des Navitimer sous une nouvelle appellation : Aviation.

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Montre de pilote produite par Ollech & Wajs sous la marque Aviation, équipée d’un Valjoux 7736

L’activité d’OW va alors se concentrer sur cette nouvelle marque, qui va rencontrer un beau succès commercial, mais sans pour autant laisser tomber les autres modèles : la vente des montres mécaniques ayant chuté, il reste un stock qu’Albert Wajs va écouler progressivement. De cette manière, on peut dire que la marque OW n’a jamais vraiment disparu du marché, et en 2006 – 2007, des OW d’avant la crise étaient toujours de stock.

Ollech & Wajs, sans Ollech…

Suite au décès de Joseph Ollech en 1992, Albert Wajs lance une nouvelle marque à son nom propre « A. Wajs », avant de déposer la marque « OW » une dizaine d’année plus tard. Il reprend alors la production de nouveaux modèles. Comme à ses débuts, Albert Wajs sélectionne les meilleurs composants et récrée une gamme de montres OW sportives. Tout d’abord des montres de plongée, avec la série M équipée d’un mouvement ETA 2824. Ensuite des chronos, dont une série limitée basée sur le Valjoux 7733 qui aura un grand succès, et qui sera complétée par la Mirage équipé d’un Valjoux 7750.

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OW Mirage III Chronograph, avec un calibre Valjoux 7750

Ces modèles seront produits jusqu’en 2017, avant qu’Albert Wajs ne se décide finalement à céder son activité.

La renaissance d’OW

Le terme de renaissance peut prêter à confusion, puisque comme expliqué ci-avant, la marque n’a jamais vraiment disparu. Par renaissance, je veux dire que le repreneur entend redonner à OW un nouvel élan.

Le repreneur est au départ un passionné d’horloge rie, collectionneur de la marque Ollech & Wajs, qui va faire la connaissance d’Albert Wajs en 2005, à Zurich. Il devient alors le distributeur OW pour le marché français, et noue une relation d’amitié avec Albert Wajs à Zurich. C’est au fil du temps que l’idée d’une reprise s’est imposée, et il a fallu les problèmes de vue déclinante de M. Wajs pour le décider à céder son entreprise. Depuis la reprise, 6 nouveaux modèles ont déjà été commercialisés.

La première initiative du repreneur est de créer une série spéciale, sur base des stocks rachetés à A. Wajs : MK1 1956, produite à 56 exemplaires, déjà tous vendus bien sûr. Elle est dotée d’un mouvement ETA 2824-2 et est assemblée dans le Jura suisse.

OW Mk1 1956

L’Ollech & Wajs Mk1 1956, la première montre de la nouvelle génération (crédit MichelOnTime)

Ensuite, l’attention s’est tournée vers une des spécialités d’OW : les montres d’aviateurs. Ainsi les modèles P-101 et P-104 sont inspirés des avions de chasse F-101 “Voodoo” et F-104 “Starfighter”.

OW P-101 et P-104

Les deux modèles inspirés par l’aviation : la P-101 et la P-104

Les modèles suivants sont des descendants de la fameuse Caribbean, mais ne peuvent en porter le nom pour des raisons de licence. J’ai nommé la C-1000 et l’Oceangraph, toutes les deux étanches à 1000 m comme leur illustre inspiration. Elles sont toutes les deux équipées d’un ETA 2824-2.

OW C1000 et Oceangraph

Les deux “plongeuses” de la nouvelle génération : la C-1000 et l’Oceangraph, étanches à 1000m (crédit MichelOnTime)

Et enfin, la dernière commercialisée dans le courant de 2020 est un chronographe, la Navichron, avec une superbe lunette acier, étanche à 500m et équipée d’un Valjoux 7733, dans la lignée des Valjoux qui ont fait l’histoire des chronographes d’OW.

OW Navichron

La Navichron, étanche à 500m (Crédit MichelOnTime)

Tous ces modèles de la nouvelle génération sont détaillés dans un autre article.

Conclusion

Bien que relativement jeune, la marque Ollech & Wajs a produit quelques modèles qui ont connu leur heure de gloire, comme la Caribbean 1000. L’énorme succès des modèles militaires auprès des forces armées américaines pendant la guerre du Vietnam est passé relativement inaperçu en Suisse, mais donne encore aujourd’hui une bonne visibilité de la marque aux Etats-Unis via des distributeurs spécialisés.

Au vu des nouveaux modèles, et pour en avoir longuement discuté avec le repreneur, je peux affirmer que l’héritage d’Ollech&Wajs est en de bonnes mains.

Michel On Time, Mise à jour mars 2021


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