3 jours dans les coulisses de Nomos et interview du DG Uwe Arendt

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Lorsque le service communication du fabricant NOMOS m’a contacté pour me proposer trois jours d’immersion dans leur univers horloger, je n’ai pas eu à réfléchir bien longtemps. Récit de cette excursion en Allemagne au contact du DG Uwe Arendt, de son fondateur Roland Schwertner et de l’impeccable équipe des relations presse pour une visite riche en découvertes.

Terroir d’horlogerie

Pour me rendre à Glashütte, fief de l’industrie horlogère allemande, j’ai pris le train  depuis Berlin en compagnie d’Helena, émissaire francophone de la manufacture Nomos. On a bavardé pendant une heure ou deux le temps de rallier Dresde où Patricia, responsable presse, est passeée nous récupérer pour une dernière poignée de kilomètres à travers les collines givrées.

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Ateliers et volupté

Au programme de la journée, une visite pleine de promesses dans l’un des rares endroits qui parvient à grappiller à la Suisse une petite part du gâteau horloger en Europe.

Nous débutons par la visite des ateliers de réglage, puis de SAV. Quelques employés sont à l’œuvre sur leurs établis semi-automatisés, je suis cordialement invité à ne pas les photographier de trop près. L’atmosphère est blanche, studieuse.

ateliers nomos

Dans la pièce contiguë, je rencontre l’ingénieur à l’origine de l’émancipation de Nomos vis à vis d’ETA. Cet ancien étudiant de l’université technique de Dresde a effectué sa maîtrise en coopération avec la marque pour faire naître le Swing System, l’échappement in-house dévoilé en 2014, pierre angulaire de l’émancipation de tout fabricant horloger. « Nous appliquons une tolérance de +6sec/jour pour nos calibres, mais dans les faits, cette valeur est rarement atteinte, nous avons une belle régularité à ce niveau » m’explique t-il. A voir la fréquentation du département SAV, je veux bien le croire. Et d’ajouter tout sourire que son truc à lui, ce sont les complications. Il semblerait que Nomos lui donne du grain à moudre à ce sujet mais je n’en saurait pas tellement plus.

ateliers nomos

Au déjeuner, les inévitables saucisses sont de la partie.

Tout est limpide, sans fioriture, à l’image d’un cadran de Tangente. La convivialité en plus.

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L’entreprise personnifiée

A cinq cent mètres de là, dans l’ancienne gare de Glashütte, trône l’édifice principal de l’entreprise. En son cœur, l’immense bureau/showroom vitré du CEO s’élève au centre du village et toise ses concurrents avec ce soupçon d’irrévérence dont Nomos raffole. De l’autre côté de la rue, à l’opposé des rails, les autres grandes maisons de Glashütte filiales de Richemont et Swatch Group sont à une portée de fléchettes.

Ici, on est indépendant, à 100% ou presque, et j’ai comme l’impression qu’on en est fier. Il y a de quoi.

showroom nomos

Deux hommes discutent sans faire de vagues accoudés à l’un des petits bureaux de l’open space. Roland Schwertner fondateur emblématique de Nomos, m’accueille tout sourire.

A ses côtés, Uwe Arendt. Directeur général depuis l’an 2000. A cette époque, et alors que la fabrique ne produit que des montres d’assemblage en petite série, tout reste encore à faire. Aujourd’hui, Nomos est devenu le plus gros fabricant horloger du pays. La marque emploie directement 300 personnes et son chiffre d’affaire est estimé à plus 75 millions d’euros pour un peu moins de 40 000 pièces par an. Comme un symbole du chemin parcouru, dans un coin de la pièce, le trophée Grand Prix d’Horlogerie de Genève obtenu en 2018 semble déjà appartenir au passé.

Grand Prix Horlogerie Geneve

Interview et Entretien avec Uwe Arendt (édité et condensé)

Uwe Arendt

Le calibre (LC) : Bonjour Mr Arendt, merci pour l’invitation.

Uwe Ardendt (UA) : Je vous en prie, merci d’avoir d’y avoir répondu.

LC : Le village sera bientôt trop exiguë pour vos activités. D’après ce que j’ai compris, l’industrie horlogère est propriétaire de la majorité de ses murs !

UA : Vous ne croyez pas si bien dire. Vous savez, ici, l’horlogerie est profondément ancrée dans le patrimoine. Quand l’activité minière s’est tarie, il a bien fallu trouver un substitut et depuis ce temps, ce patrimoine s’est affirmé. Enfin, point de vue espace, il y a toujours de quoi faire même si ça ne sera probablement pas toujours le cas. Vous voyez cet là-haut ? (il désigne une imposante construction début XIXe laissée à l’abandon sur le versant est de la vallée) Nous en sommes d’ores et déjà propriétaire.

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LC : Vous avez confiance en l’avenir.

En trois mots, comment définiriez-vous Nomos ?

UA : Berlin, Bauhaus, Glashütte.

Berlin, c’est notre modernité, notre créativité, ça représente notre ouverture. Le design est un pilier de notre identité, et c’est là-bas que se trouve notre bureau de style, l’agence Berlinerblaü.

Bauhaus, comme vous le savez, c’est une école artistique émanant du Deutscher Werblund, cette association d’artistes fondée au début du siècle dernier. Dans nos montres, cela se traduit par un design d’inspiration germano-industrielle et une volonté d’innovation constante.

Glashütte, comme je l’ai dit, c’est le berceau de notre tradition. Ici, on fabrique des montres depuis plus de 150 ans. Nous y avons nos ateliers, notre siège et la grande majorité de nos effectifs. Le reste est réparti entre Berlin et Schlotvitz où nous avons délocalisé une partie de la production.

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LC : Combien vendez vous de montres par an ? Pour quel chiffre d’affaire ?

UA : Sans commentaires.

LC : Comment vous portez-vous, d’un point de vue économique ? Ces dernières années n’ont pas toujours été faciles pour les fabricants de montres mécaniques.

UA : A l’inverse de nombre de nos concurrents, 2014, 2015 et 2016 ont été excellentes avec une croissance à deux chiffres. Ensuite, le rythme a un peu ralenti mais c’est toujours positif.

LC : Quels sont vos principaux marchés ? Vos principales cibles pour un avenir proche?

UA : Nous sommes leader en Allemagne, ici, nos montres sont très populaires. Aux États-Unis aussi, nous nous en sortons bien, et nous avons de belles perspective pour l’Asie, la Grande Bretagne et l’Italie, même si il y a encore du travail à faire en Europe, notamment en France.

LC : La séparation avec votre distributeur historique Wempe est probablement un handicap. Que s’est-il passé ?

UA : Je ne vais pas commenter la décision de Wempe. Aujourd’hui, nous sommes à même de proposer aux clients des montres Nomos neuves avec tous les avantages que cela induit, mais nous pouvons aussi contrôler une offre cohérente sur le marché gris. Tout ce qui nous permet d’assurer plus de qualité à nos montres est appréciable.

design montres nomos

LC : Qualité ou quantité, qu’est-ce qui oriente votre stratégie à moyen terme ?

UA : Ces dernières années, nous avons massivement investi afin de proposer une offre de plus en plus qualitative. Nous produisons en interne 95% de la valeur de nos montres, depuis l’échappement et jusqu’à la boucle sur certains modèles. Notre gamme est particulièrement consistante dans la tranche 2000–4000 € et nous allons poursuivre sur ce créneau. C’est là que nous sommes le plus à l’aise.

C’est cette qualité qui détermine notre capacité à grandir.

LC : Parmi vos concurrents, lesquels vous inspirent personnellement?

UA : Rolex fait des montres de grande qualité, ce n’est plus à démontrer.

D’un point de vue esthétique, j’aime beaucoup la Portuguaise d’IWC.

LC : Il y a déjà quelques années, Philippe Dufour vous comparait justement à Rolex d’un point de vue qualitatif et globalement on peut dire que très peu de maisons font aussi bien dans votre gamme de prix. Votre approche du marketing joue-elle un rôle à ce niveau ?

UA : Il est vrai que par rapport à nombre de nos concurrents, nous n’allouons qu’une faible partie de nos ressources à la publicité et à la communication en générale. Le salon de Bâle en représente la majeure partie. Pour nous développer chez vous (en France ndlr), nous devons d’ailleurs accentuer nos efforts à ce niveau là.

LC : Parlons des montres. Certains amateurs réclament un chronographe dans votre collection…

UA : -Rires- Oui, on nous pose de plus en plus régulièrement la question. J’imagine que nous devons y réfléchir.

LC : Ca serait une belle évolution, après la série Autobahn !

UA : La collection Autobahn a suscité quelques discussions en interne durant sa genèse. Ses dimensions, ses courbes…tout le monde n’était pas certain qu’il faille s’aventurer si loin hors des sentiers que nous connaissions bien. Finalement, c’est une de nos plus belle réussites sur le plan commercial.

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LC : De belles surprises nous attendent donc à Bâle ?

UA : Effectivement…

Il est 17h00 et déjà, la nuit à pris ses aises. Nous repartons vers la capitale où le lendemain, j’aurais le loisir de visiter les studios de l’agence Berlinerblaü; le prolifique studio de design de la marque, sept fois primé aux IF DesignAwards. A sa tête, le designer Thomas Hönel.

La composante Berlin

Implanté au cœur du quartier de Kreuzberg, c’est un superbe bâtiment inspiration art déco qui abrite les créatifs de chez Nomos.

Dans les étages, ils sont une quarantaine à œuvrer pour pérenniser, renouveler l’héritage esthétique de la marque  qui est particulièrement bien nourri à défaut de s’étaler sur des siècles. Depuis Susanne Günther, à l’origine de la première collection, en passant par Michael Margos pour le logo, Klaus Schmitt pour les premiers packaging, Simon Husslein ou Werner Aisslinger pour des modèles récents, Nomos a toujours mis les artistes à profit.

Werner Aisslinger

Werner Aisslinger

Les larges fenêtres à croisées aspirent la lumière diffuse du ciel blanc pour contrecarrer les damiers colorés d’innombrables cadrans en 2D qui, ainsi affichés aux murs, complètent une géométrie omniprésente. De là cette ambiance presque monacale qui confère au lieu toute sa singularité -d’autant qu’une bonne partie des effectifs est en réunion au moment de ma visite.

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Le mur d’en face, plus dissipé (le mot est fort), fait la part belle aux mood board en tous genre; ces planches d’inspiration qui piochent formes et détails dans tout ce que la production d’idées et de biens peut offrir: carrosseries italiennes des sixties, boîte de Tic Tac ou palettes de dégradés Bauhaüs par exemple…

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Designer en chef

Thomas Honel

Thomas Hönel, est en charge de la direction stylistique depuis quatre ans. Sobre et discret, il semble vouloir aller à l’essentiel à l’instar des montres qu’il concourt à dessiner tout en favorisant chez Nomos ce qui pourrait être perçu comme une influence de sa formation Londonienne. Utilisation plus variée de la couleur sur les cadrans, recours aux courbes  récurrents, suggestion affirmée de légèreté dans l’habillage… Tout cela sans jamais éloigner l’évidence d’une esthétique Nomos.

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“J’envisage mon travail comme une recherche plurielle. Qu’il s’agisse du bracelet, ou du boîtier, je suis en quête d’une combinaison homogène pour l’œil et pour l’usage. Tout n’est pas nouveau. La tradition tient une part importante dans les valeur de Nomos mais par essence, c’est une marque moderne, et je suis sensible à cet aspect.”

Pour lui, les nombreuses collaborations entreprises par le fabricant sont une manière privilégiée et particulièrement efficace de dialoguer avec différentes approches stylistiques tout en préservant l’identité de la marque. “Ça aide à dépasser certaines limites” ajoute-il.

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D’ailleurs, lorsque je lui demande qu’elle est la montre qui l’impressionne le plus, c’est le nom d’un designer belge qui lui vient immédiatement à l’esprit: Benoît Mintiens. Et pour cause, c’est tout le travail du fondateur de la jeune marque Ressence qui suscite l’admiration de Thomas Honel “J’aime son engagement. Ce n’est pas tant l’esthétique que ses montres qui me fascine mais bien la mise en oeuvre d’une inspiration radicale et innovante.”

Nous sommes prévenus.

Dernière modification de l’article le 19/03/2019

Aurelien

Passionné d’horlogerie depuis l’adolescence, je consacre à cette histoire du temps une énergie et un plaisir que j’ose espérer pouvoir vous faire partager à travers mes billets.

Depuis Marseille,

Aurélien


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Written by Aurelien
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